L’Europe contre Google

En tant qu’agence web, nous nous interrogeons régulièrement sur l’intégrité de nos outils, du moins un en particulier, puisqu’il est omniprésent, pour ne pas dire omnipotent, dans nos missions quotidiennes. Il s’agit de Google. Des organismes autrement plus officiels que nous en Europe se sont également posé des questions sur le géant d’internet.

Ce n’est pas la première fois que la société de Mountain View s’embrouille en Europe. Lors de sa campagne Google Books, le géant avait dépêché quelques représentants dans les bibliothèques nationales européennes pour demander l’autorisation de copier leurs livres. Si beaucoup ont accepté de bon cœur, pensant à l’aspect culturel et humanitaire que représente une bibliothèque universelle, d’autres ont flairé le couac des droits d’auteurs, avec raison puisque cette affaire a donné lieu à un procès perdu par Google. C’était tout de même il y a deux ans, un temps que Google a mis à profit pour développer son aura sur le monde et l’Europe, ce qui ne plait toujours pas à tout le monde.

La commission européenne chargée de la concurrence a reçu une plainte sur le trust Google, et s’efforce de clore le dossier depuis 2010. Cette fois-ci, les plaignants sont des sociétés informatiques ou des sites internet qui se sentent lésés par la firme dans les domaines de la recherche et de la publicité. Deux lobbys ont été montés, FairSearch et ICOMP, qui regroupent (en bataille) Microsoft, Twenga, Foundem, Expedia, TripAdvisor, eJustice.fr, Ciao.com. Ces lobbys insistent auprès de la commission européenne pour vérifier que Google respecte le droit de concurrence. En effet, les plaignants estiment que Google met en avant ses propres outils lors d’une recherche, plutôt que de diriger équitablement vers des sites spécialisés (pour les voyages, les restaurants, la justice, etc.) L’autre grief serait que Google oblige ses clients et partenaires à choisir de la publicité via ses propres sélections (se taillant au passage une commission ?). Lassés par ces méthodes de cowboys, ils en sont venus à saisir les autorités.

Février 2010, Joaquin Almunia, le commissaire européen à la concurrence, reçoit les plaintes et décide, non pas d’enquêter formellement, mais de demander à Google de s’expliquer. S’ensuivent des échanges réguliers, la firme proposant des remaniements de sa politique, la commission et les lobbys en voulant plus, jusqu’à la semaine dernière encore. Joaquin Almunia a écrit un courrier au président exécutif de Google Eric Schmidt, pour signifier encore une fois la déception de la commission face aux engagements proposés en avril 2013. Toujours pas d’enquête officielle en vue, cependant.

D’autres soucis guettent le géant californien en Europe, surtout concernant la vie privée sur le net. Si le président de la bibliothèque nationale en France et son homologue belge se sont auto-proclamés ennemis de Google, en Allemagne, ce sont des autorités de protection des informations personnelles qui titillent la firme de Moutain View avec des requêtes en éclaircissement de la politique de confidentialité. La CNIL française, l’ICO britannique, la Cour fédérale allemande sont toutes au diapason pour exiger que Google y aille doucement avec les suggestions et les publicités orientées, puisque cela implique que vous êtes un minimum fliqué et analysé, par un programme tel que Google Analytics par exemple.

Il ne faut pas croire pour autant que l’Europe en veut à Google contre vents et marées. Ainsi en juin dernier la firme avait conquis une petite victoire quand la Cour de justice européenne l’a laissée tranquille sur le droit à l’oubli. Quand une affaire de justice est indexée par les Google Bots, au même titre que n’importe quelle page internet, le résultat apparaîtra toujours via une recherche qui la cible. Un fait que des personnes ayant eu affaire avec la justice, innocentées ou non, voulaient voir interdit. Hors la Cour de justice en a décidé autrement, puisqu’il n’existe justement pas en Europe de droit à l’oubli.

Ni l’Europe, au travers de ses instances officielles ou via les autorités de ses membres, ni Google ne semblent prêts à cesser les batailles. Il apparaît ainsi que cela soit une histoire à rebondissements… À quand le prochain ?